Le billet d’humeur de Christophe Prudhomme | Le défi de l’installation des médecins

Le défi de l’installation des médecins.

Nous manquons de médecins, surtout de médecins généralistes, qui sont par ailleurs mal répartis sur le territoire. Dans ce contexte, la question de la régulation de leur installation est un serpent de mer qui agite le Parlement depuis de nombreuses années. Cette fois, un groupe dit transpartisan, associant des députés de droite et de gauche, a proposé de conditionner l’installation des médecins à une autorisation dans les zones dites « bien pourvues » en soignants. Le gouvernement a repoussé cette mesure, le ministre de la Santé se comportant comme un relais du lobby de la médecine libérale, qui refuse toute contrainte. Son attitude est critiquable, car son rôle est d’assurer un service de santé répondant aux besoins de la population et non d’être le porte-parole de sa corporation.

Mais cette proposition était-elle susceptible de permettre que tout assuré social obtienne une réponse adaptée à ses besoins ? Sûrement pas car, depuis des années, la médecine libérale – qui repose sur les principes de liberté d’installation et de rémunération à l’acte – s’avère incapable de répondre à cet objectif. Pour être efficace, une régulation de l’installation des médecins doit s’appuyer sur une modification de leur mode d’exercice et de rémunération. Il faut assurer une évolution rapide vers un exercice collectif, dans des centres de santé pluriprofessionnels où les médecins sont salariés. Cette organisation est la seule à permettre que la Sécurité sociale, avec les agences régionales de santé, décide de lieux d’implantation adaptés pour ces structures, avec un financement basé sur les besoins de la population du territoire.

Ainsi, il ne s’agirait plus de demander aux travailleurs indépendants que sont les médecins libéraux de s’installer dans des zones désignées, mais de leur offrir des postes de travail là où sont les besoins. Le salariat des médecins permet d’éliminer les dépassements d’honoraires et se montre très attractif pour les jeunes ou moins jeunes médecins, libérés des tâches de gestion et d’organisation de leur outil de travail. Qu’ils se concentrent sur la seule prise en charge de leurs patients permet de dégager 20 à 25 % de leur temps de travail et donc, de mieux faire face au problème de la démographie médicale. Par ailleurs, l’exercice en binôme avec des infirmiers et en collaboration avec d’autres professionnels de santé et du secteur social permet aussi aux médecins d’économiser du temps tout en assurant un meilleur suivi de leurs patients. Attention à ce que les députés de la Nupes ne se trompent pas de chemin en essayant d’aménager le système libéral, qui est en bout de course. Ils doivent au contraire se concentrer sur une politique de rupture, autour du service public, dans le cadre de l’aménagement du territoire.